Plainte contre Meta, accusée d’inaction contre la haine en ligne


Nouvelle procédure juridique contre Meta. Une organisation non gouvernementale (ONG) kényane et deux particuliers éthiopiens ont déposé, mercredi 14 décembre à Nairobi, au Kenya, une plainte contre la maison mère de Facebook et Instagram. Ils l’accusent d’inaction face aux discours de haine en Afrique, menant notamment au meurtre d’un professeur d’université dans l’Ethiopie en guerre.

La plainte porte sur deux cas relatifs à la guerre du Tigré, qui oppose depuis novembre 2020 les autorités dissidentes de cette région septentrionale de l’Ethiopie aux forces du gouvernement fédéral et a ravivé des haines ethniques, notamment envers les Tigréens.

Un des plaignants est un universitaire éthiopien d’origine tigréenne, Abrham Meareg, dont le père, professeur de chimie à l’université de Bahir Dar (nord-ouest), a été abattu le 3 novembre 2021 à la suite de publications calomnieuses et appelant au meurtre sur Facebook. Malgré plusieurs signalements, ces messages n’ont jamais été retirés par la plate-forme. Un autre plaignant est un membre éthiopien d’Amnesty International, Fisseha Tekle, vivant au Kenya depuis 2015. Auteur pour l’ONG de plusieurs rapports sur les violations des droits humains durant le conflit, il a été victime de harcèlement en ligne.

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Les plaignants, parmi lesquels figure également l’association kényane de défense des droits humains Institut Katiba, réclament que Meta modifie l’algorithme de Facebook qui, selon eux, rend viraux les discours de haine. « Les messages violents, haineux et dangereux remplissent tous les critères des messages que [cet algorithme] cherche à prioriser : ils suscitent la conversation, provoquent réactions et partages et motivent un va-et-vient dans la section des commentaires », relève la plainte, consultée par l’Agence France-Presse (AFP).

Ils dénoncent également l’échec de Facebook à modérer les contenus signalés dans son pôle de Nairobi, qui couvre une vaste zone d’Afrique de l’Est et australe représentant 500 millions d’habitants. Ils font ainsi écho aux propos tenus par Frances Haugen, l’ancienne employée de Facebook à l’origine de la fuite de documents internes connue sous le nom de « Facebook Files », qui avait dit redouter « l’impact destructeur » que risquait d’avoir la plate-forme sur une société éthiopienne déjà extrêmement polarisée. Des craintes justifiées notamment par les difficultés de l’entreprise à modérer les messages émanant de groupes s’exprimant dans des langues locales, comme l’amharique, le tigrinya, l’oromo ou le somali.

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« Discrimination »

Depuis la publication des « Facebook Files », Meta a fait valoir ses efforts en Ethiopie, notamment pour les élections de juin 2021 : une équipe de suivi, des partenariats avec des ONG ou la limitation du « repartage » de contenus d’amis d’amis, comme cela avait déjà été fait en Birmanie ou au Sri Lanka.

Certaines publications visant MM. Fisseha Tekle et Abrham Meareg sont cependant toujours en ligne, d’après la plainte. Pour les plaignants, cette différence de modération d’un pays à l’autre est une forme de « discrimination » envers le continent africain, prenant pour comparaison les actions rapides prises par la plate-forme aux Etats-Unis lors de l’attaque contre le Capitole du 6 janvier 2021. Contactée par l’AFP, la société Meta n’était pas joignable dans l’immédiat pour répondre à ces accusations.

Les plaignants demandent aussi la création d’un « fonds de dédommagement » de 200 milliards de shillings kényans (environ 1,6 milliard de dollars) pour les victimes de haine et de violence incitées sur Facebook.

Il y a un an, d’autres poursuites ont été engagées contre Meta pour des motifs similaires. Dans leur plainte en recours collectif, un groupe de réfugiés rohingyas, minorité ethnique musulmane qui a fui les persécutions en Birmanie, accuse le réseau social de ne pas avoir pris de mesures contre les discours de haine à leur encontre. Ils réclament un montant de 150 milliards de dollars (132 milliards d’euros).

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Le Monde avec AFP



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